Actualité juridique pénale
Antoine Vey, du procès Merah à celui d’Air Cocaïne
A 34 ans, l’associé d’Eric Dupond-Moretti l’épaule dans le dossier « Air Cocaïne », dont le verdict est attendu ce soir.
Sur les écrans de télévision, il s’en faut de peu pour que le frêle Antoine Vey soit poussé hors du cadre par le colosse Eric Dupond-Moretti. Nous sommes le 31 octobre 2017, lors du procès en première instance d’Abdelkader Merah, à Paris. Maître Vey, 34 ans, barbe rousse bien taillée et cheveux hirsutes, plaide depuis une heure et vingt minutes dans la salle d’assises bondée.
Il cite Voltaire et La Fontaine, et, rapidement, attaque. L’accusation, d’abord, « incapable de présenter une preuve ». « L’association de malfaiteurs terroriste », ensuite, « une infraction balai, poubelle, parapluie », dénonce-t-il. La démonstration juridique est méthodique, parfois technique. Il conclut : « Il n’y a pas de plus grand honneur pour un juge que d’acquitter un innocent. » Et laisse à Eric Dupond-Moretti le soin de la plaidoirie finale. Ainsi que la lumière.
Drogue dure
Les deux hommes partagent des dossiers extraordinaires : la défense de Jérôme Cahuzac ou de Georges Tron, l’affaire Théo, le scandale de la viande de cheval, les victimes de l’amiante… Les agendas se chevauchent parfois. Alors qu’ils ont retrouvé, depuis lundi 25 mars, le cas Merah en appel, ils attendent le verdict, prévu le 5 avril, du dossier « Air Cocaïne », à Aix-en-Provence, dans lequel ils défendent les pilotes mis en cause. Pour Antoine Vey, être l’associé d’« Acquittator » est à la fois prestigieux et terriblement compliqué.
Pour le moment, ce projet de “robot juge” estonien n’en serait qu’à sa phase initiale. Mais il pourrait être lancé avant la fin de l’année avec un pilote qui concernera les litiges sur les contrats. L’idée serait que pour régler un contentieux, les parties envoient les documents et toutes les informations pertinentes à cette IA, qui pourra ensuite utiliser ceux-ci afin de donner un verdict. Ce verdict pourrait cependant être contredit par un juge humain.
On ne peut pas corrompre une machine
Enfant d’une pharmacienne et d’un notaire du Puy-en-Velay, il aurait pu reprendre l’étude paternelle et devenir un notable local. Le jeune homme aime tendrement sa ville, s’y est marié (Laurent Wauquiez était officiant et invité de la fête – « je ne vote pas à gauche », concède pudiquement l’intéressé), y célèbre ses anniversaires – la boîte de nuit s’appelle Le Marquis – et a même été élu personnalité de la Haute-Loire en 2017, selon les lecteurs du Progrès. Pourtant, à 18 ans, il quitte sa pension privée lyonnaise et met les voiles. Cambridge, Assas, Sciences Po.
Rue Saint-Guillaume, il découvre une drogue dure qui le met sur le chemin de la vocation : les concours d’art oratoire. « J’ai aimé faire rire, puis faire réfléchir, c’est sensuel. Finir deuxième, c’était une terreur. » Du coup, il finit souvent premier. Quand ce n’est pas le cas, la digestion est difficile. Comme lorsque, en 2013, il décroche le poste de 9e secrétaire de la Conférence du barreau de Paris, un prestigieux concours qui distingue chaque année douze jeunes avocats et leur permet d’obtenir des dossiers en or pendant un an : « Les gens pensent qu’il s’agit d’un classement [alors qu’à chaque numéro correspond une fonction]. J’ai merdé grave. »
Date: 2 avril 2019
Titre: lemonde.fr
Auteur: Camille Vigogne Le Coat
Photo: Stephane Lagoutte / MYOP
Catégorie: Actualités juridique pénale