Actualité juridique pénale
Psychiatrie et prison, des sujets à l’ombre du monde
Par Sébastien Firpi, psychologue clinicien hospitalier en psychiatrie de secteur en milieu carcéral, psychanalyste
La vision intangible, universelle, des droits de l’homme que portait le garde des sceaux de François Mitterrand a imprégné jusqu’au bout ses écrits et ses prises de position.
Un trajet morbide, simplicité de l’horreur réelle : hôpital, rue, prison, cimetière. La pratique de la psychiatrie de secteur en milieu pénitentiaire observe l’augmentation des problématiques pathologiques psychiques et du taux de suicide depuis plusieurs années. Dans le même temps, l’hôpital est en grande difficulté pour accueillir ces patients. Plusieurs « tribunes » récentes introduisent cette situation : le refus du gouvernement de débattre d’une loi de régulation sur la population carcérale ; l’état de la justice ; ou encore la énième alerte du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La psychiatrie de secteur exerce un service au public auprès des personnes détenues au même titre que tout citoyen depuis la loi de 1994, toujours faut-il que les conditions le lui permettent. En prison, la pathologie psychiatrique est dix fois plus élevée et le taux de suicide au moins sept fois plus important que dans la population générale. Les chiffres actuels sont préoccupants et une actualisation épidémiologique concrète se fait attendre depuis vingt ans. Les exemples que publie l’Observatoire international des prisons ne font que confirmer ce grave constat. Manifeste retour du refoulé de l’histoire, comme l’écrit Michel Foucault dans l’Histoire de la folie à l’âge classique : « On n’a pas rougi de mettre les aliénés dans des prisons (…) Ces infortunés sont enchaînés dans des cachots à côté des criminels. Quelle monstrueuse association. Les aliénés tranquilles sont plus maltraités que des malfaiteurs. »
La pratique au quotidien observe que nombre de ces sujets ont un parcours particulièrement institutionnalisé, attestant souvent de dispositifs asphyxiés. Le problème central n’est-il pas, au fond, celui de nos institutions fondamentales ? La situation du secteur social, du médico-social, de la justice, de la protection de l’enfance, du soin, ou encore de l’éducation nationale en témoigne. Ce contexte suscite une angoisse, une solitude et un malaise chez les professionnels qui retentit sur les « usagers » de tous ces champs. C’est précisément ce que pointe l’Appel des appels depuis près de quinze ans.
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Date: 9 novembre 2023
Titre: L’Humanité
Auteur: Sébastien Firpi
Photo: L’Humanité
Catégorie: Actualités juridique pénale