Actualité juridique pénale
La prison est désocialisante et favorise la récidive, affirme Cécile Marcel, la directrice de l’OIP
Surpopulation carcérale : l’Observatoire international des prisons regrette une « espèce de pensée magique », disant que « la prison est la réponse à tous les maux ».
« En France, on est dans une espèce de pensée magique, qui nous laisserait croire que la prison est la réponse à tous les maux de notre société, et on continue à entretenir ce mensonge », déplore la directrice de l’Observatoire international des prisons (OIP), Cécile Marcel, jeudi 3 juin sur franceinfo. L’OIP a signé, avec 16 autres associations et organisations, un appel destiné à Emmanuel Macron pour en finir avec la surpopulation carcérale.
franceinfo : Il y a un an, au début de la pandémie de Covid-19, le nombre de détenus avait drastiquement diminué. Aujourd’hui, il est reparti à la hausse. Selon vous, le chef de l’État n’a pas réussi à saisir cette occasion historique ?
Cécile Marcel : Apparemment pas, puisqu’on se retrouve aujourd’hui, moins d’un an après, avec 7 000 personnes détenues en plus. On ne peut que regretter que l’exécutif n’ait pas saisi cette occasion historique qui arrivait, rappelons-le, après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour sa surpopulation carcérale et l’indignité de ses conditions de détention. La Cour avait appelé la France à mettre en place des politiques de résorption de sa surpopulation carcérale.
Dès le mois de juillet, le nombre d’incarcérations est reparti à la hausse, avec près de 1 000 incarcérations en plus par mois pendant les premiers mois. Même si la croissance diminue actuellement, on continue à avoir chaque mois un nombre de détenus qui augmente. Malheureusement, c’est sans surprise, puisque il n’y a pas eu de mesure forte qui a été prise au moment où il était possible de le faire pour faire en sorte qu’on ne retourne pas dans les travers d’inflation carcérale permanente qu’on a connus ces 20 dernières années.
Qu’aurait-il fallu faire pour diminuer le nombre d’incarcérations ?
Il aurait fallu prendre des mesures structurelles de refonte des politiques pénale et pénitentiaire. Ce qu’il faut savoir, c’est que la raison pour laquelle on a incarcéré toujours plus depuis ces 20 dernières années, ce n’est pas parce qu’il y a plus de délinquance, mais c’est parce qu’on a eu des politiques de plus en plus répressives qui pénalisent de plus en plus de comportements. Il faudrait revenir sur ces politiques, même si c’est peut-être difficilement audible dans les conditions actuelles. Mais il faut savoir que c’est un facteur d’insécurité, et non de sécurité. Il faudrait aussi revoir les politiques budgétaires, parce qu’actuellement, l’ensemble des priorités budgétaires de l’administration pénitentiaire vont à l’augmentation du parc carcéral et à la construction de nouvelles prisons.
C’est une espèce de course sans fin et cela ne finance pas la réinsertion des détenus et les alternatives à l’emprisonnement qui sont nombreuses, qui ont fait leurs preuves en termes de prise en charge et de lutte contre la récidive, mais qui sont malheureusement sous-dotées et qui manquent de crédibilité, ce qui fait aussi que les magistrats prononcent insuffisamment ces mesures. Nous pensons qu’il aurait fallu prendre des mesures contraignantes vis-à-vis des magistrats pour qu’ils ne puissent pas prononcer des peines d’emprisonnement ou qu’en tout cas, s’ils prononcent des peines d’emprisonnement dans un certain nombre de situations, des personnes sortent de prison pour qu’on ne puisse pas maintenir des personnes dans un établissement surpeuplé et indigne.
Date: 3 juin 2021
Titre: Franceinfo
Auteur: —–
Photo: Guillaume Souvant / AFP
Catégorie: Actualité juridique pénale