Actualité juridique pénale
Délit de violations répétées des règles du confinement, jugé illégal
Le tribunal de Rennes a relaxé un prévenu qui comparaissait après avoir été verbalisé quatre fois pour être sorti de son logement sans motif dérogatoire valide. Une décision qui pourrait faire boule de neige.
C’est lors d’un cinquième contrôle de police que ce jeune homme de 19 ans a été placé en garde à vue le 1er avril et jugé le lendemain en comparution immédiate pour « réitération, à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours, de violation des interdictions édictées dans une circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire est déclaré », conformément à la loi du 23 mars 2020 prévoyant une peine allant jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 3750 euros d’amende. Depuis cette date, plusieurs individus ont ainsi été condamnés à des peines de prison ferme à Belfort, Troyes, Mulhouse, Boulogne-sur-Mer ou Quimper, à des peines de prison avec sursis à Rouen ou encore à des peines de travaux d’intérêt général devant le tribunal judiciaire de Paris. Mais le jeudi 9 avril, le tribunal correctionnel de Rennes a finalement relaxé le prévenu au motif que son arrestation n’était pas légale.
C’est son avocat qui a soulevé la nullité à l’audience. Me Rémi Cassette a relevé que le fichier qui a permis aux forces de l’ordre de constater que son client avait déjà été verbalisé à quatre reprises lors de ce cinquième contrôle, n’est pas un fichier prévu pour cette infraction. Baptisé ADOC (pour Accès aux DOssiers des Contraventions), ce recueil des infractions permet de recenser toutes les contraventions routières automatisées en temps réel, qu’il s’agisse d’un dépassement de vitesse autorisée ou d’un franchissement de feu rouge ou de passage à niveau. Mais, bien évidemment, ce fichier créé dans la loi du 13 octobre 2004, ne permet pas d’y inclure les contrevenants aux règles du confinement de 2020. C’est en tout cas l’argument développé par Me Cassette à l’audience et qui a conduit le tribunal de Rennes à relaxer son client. Le parquet a immédiatement fait appel mais en attendant, cette nullité pourrait être reprise par d’autres avocats et conduire d’autres tribunaux à entrer en voie de relaxe.
Une QPC pour clarifier – ou pas – les choses
D’autant que ce nouveau délit peut générer un autre casse-tête juridique qui fait désormais l‘objet d’une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) que les secrétaires de la conférence du barreau de Paris (les jeunes avocats de la défense pénale) ont déposée devant la cour de cassation.
Prenons le cas d’un individu verbalisé à quatre reprises mais qui conteste les procès-verbaux, et qui dispose d’un délai d’au moins 45 jours pour le faire. Tant que ses quatre premières infractions ne sont pas confirmées par un tribunal de police, il est donc considéré comme ne les ayant pas commises. Pourtant, c’est une cinquième verbalisation qui va donner lieu à son interpellation, sa garde à vue, et sa comparution devant le tribunal correctionnel, uniquement parce qu’il a réitéré des faits pour lesquels il n’a pas encore été reconnu coupable. D’autant que le prévenu, en comparution immédiate, ne peut pas contester la réalité des premières infractions qui lui ont valu des amendes, la simple existence des procès-verbaux constituant la matérialité du délit qui lui est reproché. La cour de cassation décidera dans la semaine de transmettre cette QPC au conseil constitutionnel afin qu’il se prononce.
Date: 13 avril 2020
Titre: France Inter
Auteur: Jean-Philippe Deniau
Photo: Sipa / Hans Lucas / Amaury Cornu
Catégorie: Actualité juridique pénale