Actualité juridique pénale
Criminologie : un test ADN peut-il faire accuser un innocent ?
Dans une expérience où des individus se sont serré la main avant de tenir un couteau, des scientifiques ont retrouvé sur l’arme l’ADN de la personne qui ne l’avait pas touchée. Le risque d’inculper un innocent à tort, en utilisant l’ADN comme seule preuve, a peut-être été sous-estimé jusqu’ici.
Un innocent peut-il être condamné pour un crime qu’il n’a pas commis ? Aujourd’hui, les enquêteurs disposent de différents outils scientifiques pour confondre un suspect et les enquêtes criminelles passent souvent par l’étude des ADN détectés sur les lieux. Au départ, l’analyse ADN nécessitait d’avoir des échantillons de sang ou d’autres fluides corporels. Cependant, grâce aux avancées des biotechnologies, il est désormais possible d’obtenir un profil génétique avec beaucoup moins de matériel et seulement quelques cellules laissées sur place.
Avec une telle sensibilité dans les analyses ADN, le risque d’erreur judiciaire semble accru. Cette possibilité d’incriminer un innocent a pourtant souvent été considérée comme « théorique » et minimisée, l’ADN retrouvé sur une scène de crime ayant une forte probabilité mathématique de provenir d’une personne vraiment présente sur les lieux.
L’ADN donne donc parfois l’impression d’apporter des preuves solides, ce que remet en cause une nouvelle étude de l’université d’Indianapolis parue dans Journal of Forensic Sciences. Ici, les chercheurs ont voulu savoir si le transfert d’ADN par simple toucher entre deux personnes pouvait faire inculper un innocent. Ils ont voulu faire ce test car dans leur laboratoire il arrivait souvent que des échantillons soient contaminés par des profils ADN de personnes qui n’étaient jamais venues au laboratoire, comme les enfants des employés.
Les chercheurs ont donc demandé à des volontaires, par groupes de deux, de se serrer la main pendant deux minutes, puis de tenir un couteau. Les couteaux ont ensuite été analysés et l’ADN recherché.
Il arrive que l’ADN de l’innocent soit détecté sans celui du coupable
Les résultats sont sidérants : dans 85 % des cas, l’ADN de la personne qui n’avait pas touché le couteau avait été transféré en quantité suffisante pour permettre d’obtenir un profil ADN. Et, dans certains cas, la personne innocente était la seule à avoir laissé son ADN, ou bien il pouvait y avoir un mélange d’ADN dans lequel le principal ADN était celui de la personne innocente !
Pour Cynthia Cale, principale auteur de l’article, les experts qui enquêtent sur un crime doivent être conscients que l’ADN d’un innocent peut être détecté sur une scène de crime ; ils devraient en informer les juges et les jurys lors des procédures judiciaires. Elle explique pourtant : « La plupart des articles que j’ai lus sur le transfert d’ADN secondaire disent qu’il n’y a pas vraiment d’impact sur le résultat final ». Or, les résultats obtenus ici prouvent le contraire puisqu’il est possible que le seul ADN retrouvé sur une arme appartienne à quelqu’un qui ne l’a pas touchée, et que l’ADN de celui qui a manipulé le couteau ne soit pas détecté !
Ce risque n’est donc pas seulement théorique. Ainsi, en 2013, en Californie, un homme a été arrêté et détenu plusieurs mois pour meurtre car son ADN avait été retrouvé sur la victime d’un homicide. Mais les charges qui pesaient contre lui ont été abandonnées : des experts ont conclu que son ADN avait pu être transféré à la victime par des ambulanciers lors de transports indépendants aux urgences.
La présence de cellules sur une scène de crime ne prouve donc pas que leur propriétaire est venu sur les lieux, l’ADN peut très bien avoir été apporté par d’autres moyens.
Date: 4 novembre 2015
Titre: Futura Santé
Auteurs: Marie-Céline Ray
Photo: © Maarten Van Damme, Flickr, CC by 2.0
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