Quatre habitants du Clos-Saint-Lazare à Stains sont jugés depuis lundi, six ans après le meurtre d’Hadia, de Pierrefitte. Le verdict de la cour d’assises est attendu dans la nuit.
« Il n’y a pas de fatalité. Pas plus qu’en 2012, en 2018, on ne doit pas accepter qu’un jeune de 20 ans meure sous les coups, pour rien », a martelé l’avocate générale avant de requérir quinze ans de prison contre Madani B. et l’acquittement de ses trois coaccusés, contre lesquels les preuves manquent.
Ils sont jugés depuis lundi pour le meurtre le 23 juillet 2012 d’Hadia, jeune sportif de 20 ans, fierté de sa famille et modèle pour son quartier des Fauvettes à Pierrefitte. Lynché parce qu’il venait de Pierrefitte, ou parce que des « gars du Clos » goûtaient peu sa relation avec une fille du Clos-Saint-Lazare, ex-copine d’un de leurs amis. Les deux hypothèses ont affleuré au cours de cette audience, difficile, faite de coups d’éclats et de témoignages changeants, à l’instar de cette incroyable procédure.
« C’est un insupportable yoyo judiciaire ! »
Un premier procès d’assises avait été suspendu en 2015, dès l’ouverture, par les révélations de Madani B. Il avait mis en cause deux accusés supplémentaires… disculpés par lui ce lundi. « C’est un insupportable yoyo judiciaire ! On poursuit, on poursuit plus, on condamne, on relaxe, on accuse, on dédouane », a résumé Marie Violleau, en défense.
Son client, condamné en 2014 pour les violences sur un copain d’Hadia, a ensuite été relaxé en appel. Puis mis en cause par Madani B., puis dédouané… Tout comme Mamadou M., vu « par des témoins qui ensuite ne l’ont pas vu ! » a fustigé Me Philippe-Henry Honegger, accréditant par là même l’idée que le procès s’est aussi joué à l’extérieur du tribunal.
Quant à Makha N., son avocat Me Olivier Arnod, s’est employé à rappeler, relevé téléphonique à l’appui, qu’il « ne pouvait pas avoir participé à l’agression ni même l’avoir regardée et avoir envoyé [une vingtaine de SMS] en même temps ». « Je n’ai pas la possibilité de démontrer qu’ils ont participé », a concédé avec franchise l’avocate générale, réclamant l’acquittement de ces trois accusés.
Concernant Madani B., accusé impulsif, taxé au passage par l’avocate générale d’avoir « instrumentalisé la justice » par ses revirements_ l’avocate générale ne doute pas qu’il a tenu cette batte de base-ball, dont les coups ont plongé Hadia dans un coma irréversible.
« C’est la loi du quartier »
Elle en veut pour preuve les « témoignages constants » de plusieurs hommes. Hadia avait dit à ses proches que « Mad Max », surnom de Madani B., était parmi les agresseurs. « Je ne peux pas croire que vous allez prononcer 15 ans de prison ! La seule certitude qu’on ait est que Madani était présent et qu’il a donné des coups, mais sans arme, et sans intention de tuer », a plaidé son avocate Me Anouck Michelin, pour qui il s’agit non pas d’un meurtre, mais de coups mortels. « C’est la loi du quartier avec l’omniprésence de la violence et la loi du silence, ce n’est pas une fatalité, c’est une réalité », ajoute-t-elle.
Son client, déjà détenu pendant 5 ans dans cette affaire, est le seul à vouloir s’exprimer en fin de procès. « Je tiens à m’excuser envers la famille d’Hadia, mes sincères condoléances, je n’ai jamais voulu le tuer, ma foi me l’interdit […] A aucun moment, je n’ai eu la batte de base-ball, si ses vrais amis avaient dit la vérité… » Il ne finit pas sa phrase, son avocate l’enjoint de se taire, une fois encore, tandis que la famille d’Hadia, écoute sans ciller. Une famille dont la dignité a été saluée par ses avocats Me Amaury Auzou et Alfonso Dorado, pour n’avoir « jamais voulu appliquer la loi du Talion », alors qu’elle a vécu ce qu’il y a de pire : « enterrer un enfant, tué sans mobile ».
Source : www.leparisien.fr
- Date: 9 novembre 2018
- Titre: Le Parisien
- Auteur: Carole Sterlé
- Catégorie: Articles de presse