Les billets d’humeur de Maître Philippe-Henry Honegger
Se pose aujourd’hui la question de la qualification, de la définition de cette attaque : en effet, les mots ont un sens ainsi qu’un poids non négligeable. De plus, en cette période particulière, ces derniers peuvent prendre une ampleur totalement incontrôlable.
Les faits, sous un angle objectif, sont les suivants : un homme de nationalité française a attaqué une policière avec un couteau. Celui-ci, récemment sorti de prison, a été indiqué par le ministre de l’Intérieur comme ayant une pratique rigoriste de l’Islam, comme étant « fiché » pour radicalisation mais également comme étant atteint de schizophrénie.
Nous nous retrouvons alors face à une situation complexe.
S’agit-il d’une attaque terroriste ? Cet homme est connu pour radicalisation, mais il ne l’est pourtant pas pour des actes terroristes. De plus, la pratique de l’Islam, qu’elle soit rigoriste ou non, n’est pas illégale : cette attaque, en elle-même, ne laisse donc pas penser nécessairement qu’il s’agit de cela.
S’agit-il d’une nouvelle attaque dite « de haine » contre les policiers ? Pourtant, rien ne laisse signifier qu’il s’agit bien d’une attaque ciblée contre la police, comme cela aurait pu être le cas au sein d’une bande organisée par exemple.
S’agit-il tout simplement d’un « fou » ? cette question fait par ailleurs écho à l’affaire de Sarah Halimi : faut-il juger les fous ? Bien qu’il ait été diagnostiqué schizophrène, le déroulement de l’attaque faisant tout de même l’objet d’une certaine organisation, n’assure pas qu’il s’agisse d’une bouffée délirante.
Cette personne venait de sortir de prison : la responsabilité incombe t’elle aux juges, laissant sortir des détenus dangereux de prison ? Incombe-t-elle à l’hôpital ? cet homme aurait-il dû être enfermé dans un hôpital en raison de sa dangerosité ?
A qui profitera cette affaire ?
Va-t-elle permettre d’appuyer les discours de celles et ceux réclamant plus de prisons, plus d’autorité, plus de répression contre l’islamisme ?
Va-t-elle permettre de justifier qu’il faut bel et bien plus de moyens pour les hôpitaux et les prisons ? ou encore plus de moyens pour la réinsertion, pour le suivi de ces individus ?
Comment parvenir, au sein d’une actualité vive et d’un flot incommensurable d’informations, à s’extraire d’un débat complètement idéologique, ce afin de préserver un regard subtil sur une telle situation ?
Pourtant – et nous pouvons peut-être nous en étonner – l’intervention de notre ministre de l’Intérieur fut réellement modérée contrairement à son habitude. Ce dernier a employé le terme « d’Islam rigoriste » sans jamais l’associer à l’islamisme ou au terrorisme. Il évoquait également de lui-même la pathologie schizophrénique de cet homme, sans en minimiser la gravité. Il n’a pas fait référence à une justice laxiste, ne s’est pas dirigé contre l’hôpital. Enfin, il n’a pas parlé d’actes terroristes ni de haine envers la police.
Il semblait chercher à apaiser la situation.
Le retour des beaux jours, la réouverture des terrasses auraient-ils changé notre ministre de l’Intérieur ? Il nous faut du moins espérer qu’il ne s’agit pas d’une éclaircie avant le retour des orages.