Les billets d’humeur de Maître Philippe-Henry Honegger
Eric Zemmour a récemment fait une proposition intéressante en s’appuyant sur l’affaire de Nordahl Lelandais, dans lequel a été requis la peine de perpétuité.
Suite aux réquisitions, alors que par ailleurs la décision n’avait pas été rendue par la Cour d’assises, Éric Zemmour a publié la chose suivante sur Twitter : « Nous savons très bien que Nordahl Lelandais, quelle que soit la décision prise, ressortira un jour de prison. Si je suis élu Président de la République, la perpétuité réelle sera réelle et que les Français seront ainsi définitivement protégés ».
Sa proposition est donc la suivante : lorsqu’en France, une peine de perpétuité sera prononcée, il ne pourra plus jamais être possible de sortir de prison, sous aucune circonstance et quelles que soient les raisons. Pour résumer, vous mourrez en prison quoiqu’il arrive. En effet, il s’agirait pour lui d’une manière de protéger les français de ceux qui un jour ont pu commettre le pire.
Cela arrive-t-il vraiment qu’en France la perpétuité réelle ne soit pas réelle ?
Si tel est le cas, pourquoi en a-t-on décidé ainsi ?
Il est vrai qu’en France, même si est prononcé une peine de perpétuité dite « réelle », il existe toujours une possibilité, une lueur d’espoir, d’en sortir avant de décéder.
La perpétuité signifie en réalité que vous resterez en prison jusqu’à la fin de votre vie, à moins que vous démontriez, après un certain temps, que vous n’êtes plus dangereux pour la société.
La période incompressible qu’on doit passer en prison avant même de pouvoir espérer une sortie s’appelle une peine de sureté.
Cette période peut être de 15 ans, de 22 ans, mais également de 30 ans pour les crimes les plus graves. Lorsqu’elle est fixée à 30 ans, l’on parle de perpétuité « réelle » alors que dans les autres cas on parle de perpétuité avec une sureté, de 15 ans ou 22 ans par exemple.
Cela signifie-t-il pour autant que personne n’est jamais en prison à perpétuité en France ?
La perpétuité reste néanmoins une réalité pour nombre de détenus. Chaque année des personnes meurent en prison en exécutant leur peine. Si une personne est condamnée à 30 ans de prison ou à la perpétuité et que celle-ci décède au bout de quelques années, celle-ci se retrouve à avoir effectivement vécu la perpétuité.
Il existe également une autre règle applicable en France : une santé nécessitant des soins sous peine de mourir sous des conditions absolument abominables en prison, permet – fort heureusement – d’en sortir de manière anticipée afin d’être soigner ou de mourir dignement. Et c’est un signe de civilisation que de ne pas laisser agoniser les condamnés en prison.
Permettre que même la perpétuité réelle ne soit pas toujours et absolument réelle, c’est laisser la possibilité d’un espoir, justement parce que l’on veut protéger les Français.
En effet, afin de protéger les Français, il a justement été décidé de laisser aux détenus la possibilité d’être vus par des experts, et d’avoir ainsi la possibilité de sortir de prison si l’ensemble des conditions définies sont réunies. Les experts, s’assurant qu’ils ne représenteront plus un danger pour la société, s’assurant qu’il n’y aura pas de problèmes médicaux les en empêchant et s’assurant qu’ils présenteront des gages de réinsertion et de réadaptation avancés.
Tout d’abord, on veut protéger les Français en prison : si vous retirez tout espoir à quelqu’un, quelqu’un de désespéré, quelqu’un qui n’a plus rien à perdre, n’a alors effectivement plus rien à perdre, et peut commettre des actes catastrophiques en prison.
Mais on laisse cet possibilité aussi parce que notre système, hérité des Lumières continue à croire que rien n’est jamais définitif.
En effet, même si on a pu commettre des actes abominables à un moment de sa vie, il faut croire qu’il est toujours possible de devenir meilleur.
La prison n’est pas seulement une punition, il s’agit également d’un moyen de s’améliorer, de s’amender, de progresser, de s’éduquer et de s’élever.
Peut-être que celui qui était un monstre ou qui a commis des actes monstrueux un jour, sera dans le futur un citoyen pouvant intégrer pleinement la société.
Notre système français est fondé sur cette idée : on peut devenir quelqu’un de meilleur, on a tous l’espoir de devenir meilleur.
Malheureusement, l’idée selon laquelle la perpétuité réelle doit être absolument réelle signifie que l’on a plus aucun espoir et qu’en réalité, l’on ne croit pas en l’homme.
Lorsque l’on ne croit pas en l’homme, lorsque l’on ne croit pas à la possibilité de s’améliorer et lorsqu’on ne croit pas qu’un monde pourra devenir meilleur, je ne comprends pas que l’on puisse vouloir présider au destin d’une aussi belle nation que la France.