
“Une enquête mal menée” et le dossier de viande contaminée tourne à la relaxe générale
Dans le dossier de quelques milliers de pages et sur l’affaire qui dure six ans, on a des vaches sous antibiotiques, de la viande contaminée, envoyées à l’abattoir en Belgique. Un article 40 envoyé au procureur de la République. Et une enquête qui remonte jusque dans des fermes et chez des vétérinaires de l’Oise, la Somme, la Seine-Maritime et l’Eure. C’est ce dossier qui devait s’ouvrir ce mardi 15 juillet devant le tribunal d’Amiens.
Toutes les mesures de traçabilité devaient permettre une enquête claire et limpide. Il n’en sera rien, “ce dossier est la démonstration de tout ce qu’il ne faut pas faire” ont démontré tour à tour, les avocats de plusieurs prévenus, dont Me Steeve Ruben, pénaliste à Paris, en ouverture du procès.
Où est la viande contaminée ?
Maitre Marc François, avocat de vétérinaires à Neufchâtel-en-Bray explique clairement ses griefs : “Je passe beaucoup de temps dans des dossiers concernant les animaux. Quand ils sont traités par l’OFB, les procédures sont largement plus charpentées.
On s’est tous arrachés les cheveux pour mettre de l’ordre dans le dossier. Cette procédure est une honte. Honte de traiter des justiciables de la sorte et de laisser le tribunal se débrouiller avec tout ça. on n’a pas l’enquête belge. Alors que c’est de là que tout a commencé.
Si le dossier avait été bien mené, on aurait la précision de ce qui s’est passé, des alertes belges et des suites en France. On ne sait pas comment on été réalisés les prélèvements, à quelle date, sur quelles carcasses. Mais il n’y a rien. Il faudrait croire sur parole l’enquêteur. Si moi, je vous soutiens qu’il n’y a jamais eu d’antibiotiques en Belgique, faites moi la démonstration du contraire. Cela devrait être tout simple, mais avec ce dossier, ça ne l’est pas.”
L’enquêteur ne viendra pas s’expliquer
L’avocat de Rouen déplore également l’absence de l’enquêteur à l’origine de l’enquête au procès : “Si on avait su cela, alors qu’on nous avait dit que ce serait une évidence, on l’aurait fait citer. Nous avons un nombre incalculable de questions à lui poser.
Il passe son temps à donner des leçons d’articles, d’alinea, de virgules, mais vous avez vu ce qu’il a fait de cette procédures. C’est une honte. Il se soustrait à ses activités. Il met une panique pas possible depuis des années. Il est omniprésent dans ce dossier. Il est même présent en garde à vue. Il n’est pas habilité pour cela. Il se permet des choses illicites, en dehors des clous de la procédure pénale. On veut comprendre comment on en arrive là. Je ne sais même pas s’il a déjà mis les pieds dans une ferme.
Si on va au bout de cette procédure, cela peut avoir un intérêt de lui poser des questions. Sur comment il voit les choses. C’est un scandale.”
“On a tous faits de nombreux efforts pour être présents ce jour. Des efforts pour que le dossier puisse être jugé. Les bras nous en tombent quand on apprend que l’enquêteur ne sera pas là. Il nous semble que la procédure est peut être bâclée. Il est parti bille en tête qu’il s’agissait d’un réseau de trafic entre vétérinaires et agriculteurs. Nous sommes en pleine moisson, les agriculteurs ont beaucoup de travail. Nous ne comprenons pas pourquoi l’enquêteur n’a pas fait l’effort de venir”, ajoute maitre Ahmed Akaba qui représentait un agriculteur d’Osmoy Saint Valery (Seine-Maritime).
Un florilège de défaut de procédures
Longuement, maitre Steeve Ruben pour un grossiste basé à Moliens dans l’Oise, a dénombré d’autres zones d’ombre dans ce dossier.
“Aucun des faits portés initialement au parquet de Beauvais ne rentraient dans les compétences du pôle régional. Seul le pôle interrégional aurait pu être compétent.
Dans la procédure pénale, nous avons des PV de garde à vue qui sont non signés. Donc cela ne vaut rien ou juste renseignement. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le code de procédure pénale.
Un florilège de défauts de procédures. Des agents n’étaient pas habilités pour recueillir des documents et des données personnelles.
Des perquisitions ont été menées sans assentiment de la personne. Elle ne se retrouve pas au dossier et quand on la demande, on nous dit que ce n’est pas possible. Les bras m’en tombent.
Le procédure d’enquête préliminaire a duré plus de deux ans. Or, la loi a changé et le garde des sceaux a demandé que les enquêtes préliminaires ne durent pas plus de temps, sans accord. Il faut donc ne pas tenir compte tout ce qui a été réalisé deux ans après l’ouverture de l’enquête préliminaire.
Tout cela donne le sentiment d’une enquête réalisée en catimini. Sans tenir compte du respect du contradictoire.
“On défend des gens qui sont des accidentés du droit pénal. Vu les infractions, on a besoin de comprendre. Mais il n’y a rien de précis dans le dossier. On lui reproche des faits de 2016 alors qu’il ne travaillait pas avec les belges à cette époque là. On ne sait pas quel animal, quel médicament.” – Maitre Steeve Ruben
On ne peut pas découvrir à l’audience ce que l’on nous reproche précisément.
La garde à vue n’était pas nécessaire. Les faits étaient terminés. Il n’y avait pas de raison de le déférer ensuite. Il a répondu à toutes les convocations, il a une situation familiale stable et connue. Il n’y avait donc aucune raison de la placer en garde à vue. Ses déclarations auraient été les mêmes.
L’acte de poursuite en qualité de dirigeant de la SAS n’est pas légal, il n’est pas le dirigeant de la société. De plus, dans l’avis du parquet, il n’est pas présenté comme dirigeant (qui ne l’est pas d’ailleurs), fait grief.”
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- Date: 15 juillet 2025
- Titre: Le Bonhomme Picard
- Auteur: Arnaud Brasseur
- Photo: Le Bonhomme Picard
- Catégorie: Articles de presse